“Une Eglise qui se prend au sérieux”

“Une Eglise qui se prend au sérieux”

Thomas de la Barre est un jeune engagé dans l’Eglise 2.0, une Eglise jeune et ouverte sur le 21e siècle et ses nouveaux défis. Passionné par l’évènementiel, il nous livre une partie de son parcours et sa vision sur l’Eglise d’aujourd’hui.

Une année de césure

Après sa maturité au gymnase de Nyon, Thomas ne désire pas poursuivre directement ses études et se rend à l’Emmanuel School of Mission à Altötting, en Bavière, pour 9 mois. Cette école a été créée par la Communauté de l’Emmanuel dans le but de former les jeunes et de leur apprendre à témoigner de leur foi et de leur joie profonde d’être enfant de Dieu. Elle est basée sur quatre piliers que sont la vie spirituelle, la vie de formation, la vie fraternelle et la vie missionnaire. La musique et la créativité sont également au centre de cette formation pour les 18-30 ans. Pendant son cursus, les quinze élèves de sa promotion ont d’ailleurs monté une comédie musicale qu’ils ont eu la chance de présenter dans différents lieux.

C’est un privilège de pouvoir se dire : « Je prends un an pour moi et pour Dieu »

Ces neufs mois ont été l’occasion pour Thomas d’approfondir sa relation à Dieu et d’entrer dans la mission à travers la créativité et la musique. Mais cela n’a pas toujours été facile. En vivant une vie spirituelle assez forte rythmée par 3 à 4 temps de prière par jour, arrivent certains combats. Des questions de sens se posent.

« La seule chose que tu peux vraiment apprendre dans la foi, c’est de t’y remettre sans cesse. »

Pour Thomas, cette école a été une bonne introduction à la foi adulte, une foi choisie. Cela rejoint également la spiritualité des Scouts d’Europe dont il fait partie: être un pèlerin. «Le pèlerin, c’est celui qui se remet toujours en route, et qui va toujours avancer. Ce n’est pas la spiritualité de celui qui est arrivé, qui a acquis une compétence ou un certain “niveau de foi”».

En sortant de son école, Thomas n’a d’ailleurs pas l’impression qu’un changement radical a eu lieu. Il y voit plutôt le début d’une longue croissance. Certes, le fait d’avoir vécu neuf mois avec un groupe, d’avoir tout partagé ensemble et spécialement des temps de prière très forts, cela marque une personne mais ce n’est pas pour autant que Thomas a gardé ce rythme soutenu de prière. “En tant qu’adulte, tu dois t’approprier chaque partie de ta vie. Il faut donc aussi s’approprier la foi.  Ma vie, je la vis avec Dieu et Lui sait que, parfois, je ne serai pas être au top. L’important, c’est d’avancer avec Lui.”

Le désir de travailler pour l’Eglise

En revenant de son année en Allemagne, Thomas sent que sa place est au service de l’Eglise. Mais de quelle manière? “En Suisse, travailler pour l’Eglise signifie souvent qu’il te faudra suivre une ligne déjà tracée en devenant agent pastoral par exemple. J’avais encore besoin de me découvrir plus avant de savoir si c’était le bon chemin pour moi.” Une chose est sure, son métier sera consacré 100% à Dieu mais cela se réalisera peut-être d’une nouvelle manière…

Identifier sa manière de fonctionner

Après l’Emmanuel School of Mission, Thomas s’est lancé en théologie à Fribourg afin d’approfondir son bagage. Ces dernières années de formations auront donc été l’occasion pour lui de découvrir sa propre manière de fonctionner : Thomas a besoin de créer, et il aimerait se former d’avantage dans la gestion d’évènements. Avec ces nouvelles compétences, il pourra ainsi mieux se mettre au service de l’Eglise.

“Pour se mettre en action dans l’Eglise, il faut d’abord identifier les besoins réels de chacune et chacun, en particulier des jeunes. Une fois ce besoin identifié, un plan d’action peut alors être mis en route.”

Aux côtés de Jeanne Pierson, Thomas identifie que dans plusieurs paroisses, il manque d’animateurs et animatrices liturgiques ou que les chœurs de village voient leur nombre de membres baisser d’année en année. Il y a donc un besoin de relève. Dès lors, ils mettent en place un comité pour créer Helvetia Cantic. En s’inspirant de leur voisin français et de Ecclesia Cantic qui rassemble 1000 jeunes de 18 à 30 ans, ils montent un week-end de formation à la musique liturgique.

Helvetia Cantic n’est pas un week-end d’experts musicaux. Le but est de faire de la musique ensemble et d’inviter ensuite les jeunes à prendre leur courage et à animer les célébrations dans leur paroisse ou à rejoindre le chœur du village. “Même sans instrument, il faut juste oser aller au pupitre”.

Un lieu porteur de sens

La deuxième édition d’Helvetia Cantic a eu lieu en octobre 2021 à l’Abbaye de Saint-Maurice, un lieu porteur d’une foi incarnée en Suisse. Le comité d’organisation ne souhaite pas recréer le même format qu’en France. Ils travaillent à ancrer ce festival dans nos traditions suisses et dans nos manières de faire pour que cela touche nos jeunes. Le week-end était rythmé de conférences, d’ateliers et bien sûr, de chant. Les 70 participants ont vécu dans un même lieu, ce qui a pu donner lieu à un week-end musical mais aussi spirituel et amical.

Une réponse à un appel

Même si le mot vocation fait parfois un peu peur, le simple fait d’être venu à ce week-end est une première réponse au Seigneur. “Prendre deux jours complets, même si c’est de prime abord la musique qui nous intéresse, c’est forcément un certain choix pour vivre quelque chose avec le Christ. A travers le chant, à travers cette tradition de l’Eglise, à travers le fait d’être en harmonie musicale, tous ensemble, entre jeunes qui cherchent, on avance forcément dans notre vie spirituelle.”

Un désir : une Eglise qui se prend au sérieux

Le pape Jean-Paul II nous parlait déjà en 1979 de la nouvelle évangélisation. Il n’est plus question aujourd’hui, pour la plupart d’entre nous, de partir à l’autre bout du monde pour annoncer le Christ. C’est dans nos vies, ici, dans notre quotidien, que nous devons l’annoncer, à nouveau. “Nous devons nous adresser à des gens qui ont déjà entendu parler de Jésus. Tout le monde sait que nous avons congé à Pâques, à Noël, mais pourquoi?” Ce challenge ne semble pas insurmontable pour Thomas et est même une source de motivation.

“Il faut trouver une nouvelle façon d’aborder la foi, une nouvelle façon de parler au cœur des gens et, pour moi, ça passe par une Eglise qui se prend au sérieux et qui va plus loin dans ses projets.”

Pour Thomas, l’Eglise doit toujours chercher à se perfectionner et à se professionnaliser, à aller chercher des compétences quand il y en a besoin, à se former dans la gestion d’évènement, prendre contact avec des professionnels de la musique, de la vidéo. Un exemple flagrant d’une Eglise à l’écoute de la société, l’Eglise évangélique et sa série “The chosen”. “Cette série sur Jésus a été entièrement autofinancée, est disponible sur internet très facilement, elle est bien produite et les acteurs professionnels sont très bons. Aujourd’hui, à l’heure de Netflix, Amazone prime, il parait évident qu’il fallait produire une série sur Jésus. Dans un monde de festivals comme le Paléo, il est évident qu’un festival de musique chrétienne doit naître. En se mettant plus à l’écoute de ce qui se fait dans le monde et de ce qui touche les jeunes , l’Eglise pourra encore mieux transmettre le message du Christ.”

 

Propos recueilli par Benjamin Bender